mardi 24 novembre 2015

Björk - Bachelorette (Voltaic - Live Paris)

Un soir, au théâtre du Gouvernail, au nouveau concert de Jann Halexander / Compte-Rendu [par Diaphane49]



Source : http://diaphane49.skyrock.com/tags/fmXMWXzAY4f-Gouvernail.html 


8 octobre 2015. C'était un soir bizarre, n' habitant pas si loin que ça, et ayant de la famille à Rennes, je profitais pour aller voir Jann Halexander en concert là-bas, à la Quincaillerie. Je suis le travail de cet artiste depuis pas mal d'années, il y a eu un moment d'éloignement et j'y reviens, il y aura peut-être un autre moment d'éloignement, forcément un jour je cesserai d'animer ce blog, ou je le ferai gérer, bref je sais pas. Je n'ai pas toujours été convaincu par la qualité du travail de Jann, pourtant je reste séduit par sa créativité, presque maladive (ce n'est pas du tout le genre d'artiste qu'on canalise, il use d'une liberté qui peut faire peur) et son aisance sur scène. Mais là, en voyant à travers les vitres de la Quincaillerie qu'il n'y avait personne à part lui, une femme, à une table au fond, et une autre femme qui venait d'arriver, je me suis dit, non ce n'est pas possible. Je ne pouvais pas rentrer. Il n'y avait personne. En soi, cela ne veut pas dire qu'un artiste est nul. Chaque année, des artistes, et pas des moindres, parfois à la mode, parfois médiatisés, annulent des concerts, ont des bides, c'est la vie d'artiste avec ses aléas, ses complications, aucun artiste n'est épargné, même en ayant des années de carrière au compteur. Mais c'est le lieu qui me dérangeait. Quelle mouche l'avait piqué pour aller chanter dans un 'bar' ? L'envie de se frotter à un autre public, en province où il est plus rare (paradoxe quand on sait qu'il a démarré en province, pas loin de chez moi, à Angers) ? Le côté casse-cou ? L'inconscience ? Ou des raisons plus personnelles, qui, de fait, ne me regardent pas. C'est un fait : Jann Halexander chante moins sur scène qu'avant, il est beaucoup plus rare, surtout en province. 

Je n'ai pas voulu rentrer, j'ai continué mon chemin, tant pis. J'aurai pu rentrer, me présenter -il me connaît un peu- mais je n'ai pas osé, je ne savais pas quoi lui dire et il est connu pour être distant, malgré un sourire sympathique. Je me serai senti complètement con à parler à quelqu'un qui a le regard ailleurs. Le regard de Jann est troublant, il a toujours le regard ailleurs. Avec un fond de tristesse. Mais bon, il n'avait pas l'air de mauvaise humeur comme s'il avait pris acte de la situation, il riait avec cette femme que je reconnus par la suite, Monique Hottier. 

J'ai pris le covoiturage pour aller voir Jann Halexander en concert à Paris le 7 novembre, donc un mois plus tard. C'est déjà un peu plus compliqué, mais bon j'ai trouvé un endroit où dormir, alors je profite. 

Et là tout se passait comme s'il avait remis les choses à leur place. La Quincaillerie n'était plus qu'un médiocre souvenir (médiocre est un euphémisme, j'étais en colère contre l'indifférence du public envers la vie culturelle, et ça vaut pour tout un tas d'artistes).

J'ai reconnu Monique Hottier à l'accueil. Elle a réalisé plusieurs clips dont le génial 'Pars et gogo'. Je cherche Jeff Bonnenfant des yeux, je ne le vois pas, il y a du monde dans le hall, ça parle, ça rit, c'est animé. Je prends place dans une salle pleine. 

Le théâtre du Gouvernail n'est pas situé dans le quartier le plus attirant de Paris, même la rue en question n'est pas très belle. Mais une fois qu'on y est, on sent que le lieu respecte le public. Hall spacieux, distributeurs de boissons, toilettes propres, espace aux normes handicapées, salle propre. Ce n'est pas immense en nombre de places (mais jauge profonde, et sièges confortables, ça ne fait pas du tout 'petite salle'). L'artiste ne semble pas cultiver le goût des grosses salles pour les grosses salles (après tout des gens moins connus que lui se risquent à des salles plus grandes). Je ne pense pas qu'il est réticent mais là dans cette salle, dès l'entrée, je comprenais tout de suite que lui et le lieu ne faisaient qu'un ; c'est ce qui fait la magie du spectacle. Il y a quelque chose d'intime et de grandiose dans les concerts de Jann Halexander. Intime car ce sont des petites et moyennes salles. Grandiose car on est loin du cliché 'chanteur seul au piano qui s'adresse aux copains'. C'est mystérieux, solennel, parfois drôle, mais toujours transcendant. Pour peu qu'on aime ses chansons, hein. Mais même sans aimer tout, il a ce truc qui fait qu'on ne l'oublie pas. Le public est très mélangé, côté âge, couleurs de peau, même socialement, je pense. Halexander n'est clairement pas estampillé 'chanteur de gauche' (ni de droite, d'ailleurs). Ce n'est même plus tout à fait de la chanson, c'est très variété, parfois pop, avec les mélopées de la géniale guitariste Barbara Felettig, les voix sublimes des deux choristes, un homme, une femme. Côté jeux de lumières, c'est sobre et beau à la fois, bien millimétré. Jann chante de sa voix lyrique, ample, sans micro.

Le décor est sobre et beau. Des paroles de chansons, traînent sur le sol recouvert d'un tissu rouge cramoisi. Le piano au centre de la scène, est recouvert d'une étoffe bleue. Un fauteuil à droite du piano, deux chaises dans le fond. 

Même les gestes du chanteur et des choristes sont étudiés. Le tour de chant alterne entre classiques (le poignant 'Moi qui Rêve' de l'ouverture, l'inévitable, l'inusable ' A Table, 'Aucune Importance') , des nouvelles chansons qui n'ont pas été éditées sur disques, ni en ligne à ce jour ('Avant' ou 'Qui étais-je avant', je ne connais pas le titre exact, très profond et planant, 'Kalinka', chant émouvant et désespérant dédié à une chatte disparue, certaines personnes s'essuyaient les yeux, le magistral 'Mourir à Lambaréné', chanson-fleuve dont on sent qu'il a fallu le temps qui passe pour que cette chanson puisse enfin éclore) et des chansons plus anciennes, avec une nouvelle orchestration ('Elvire ma sœur', 'La Ronde des Mulâtres'). J'aime toujours autant 'Le sexe triste', j'apprécie moyennement 'Comme dans une chanson d'Anne Sylvestre'. Je n'ai rien compris à 'Jormugand'. Je ne connaissais pas 'La Mort du Salaud', le pendant encore plus macabre de 'A Table'. On rit jaune. On rit. On est triste. On sourit. C'est la Vie. 

Jann Halexander est peut-être toujours discret, et on aura beau jeu de dire que c'est la faute aux médias, mais ce n'est pas vrai. En terme de couverture médiatique, il n'est certainement pas le plus à plaindre. Son label et son éditeur poussent même le luxe à sortir un disque où d'autres artistes l'interprètent (c'est d'ailleurs un des rares 'jeunes' chanteurs vivants interprétés un peu par d'autres dans le milieu chanson). Peut-être qu'il ne veut pas céder à certaines choses. Il est dans son monde, hors modes, hors temps, hors charts, hors classements, hors chapelles, un peu grand public mais pas trop, un peu isolé, un peu 'kitsh'. Peut-être enfermé dans sa tour d'ivoire, dans son statut d'illustre inconnu, avec ses regrets (vie d'artiste brouillon, sur la corde raide? Il ne fait que ça, chanter, créer, écrire des textes, il l'assume, dit-il et à notre époque, ce n'est plus du courage mais un sacerdoce), ses souvenirs (son enfance au Canada ? Ses années au Gabon ?), quelques traces laissées par quelques milliers de cds et dvd vendus depuis sa première chanson, 'Alien Mother', en 2003, les messages fervents de quelques fans qui ne jurent que par lui. Mais le temps d'un concert, il ne fait qu'un avec nous. Il n'est plus vraiment le chanteur 'marginal' d'autrefois, ce qualificatif qu'il aimait utiliser comme une boutade, disait-il à la télé, ce mec un peu bizarre qui traîne quelques casseroles (ses échecs) et quelques succès d'estime ('A Table'...et c'est à peu près tout, côté grand public). Par certains moments, il est devenu même un peu mainstream, il use de certaines facilités et comme tout chanteur qui se respecte, il parvient à construire son mythe (avec le risque d'être une caricature de lui-même). Car oui, au final, après le concert, c'est que je retiens : il y a bien un mythe Halexander, un univers peuplé de fantômes, de vampires, de familles brisées, d'hommes et de femmes en quête permanente d'identité, de passions avortées, de rêves chamboulés. On oscille constamment entre humour sombre et désespérance totale et c'est beau parce que c'est lui, qui incarne tout cela, et on est ailleurs le temps d'un concert. C'est 'too much' et c'est ce que j'attends d'un artiste. Qu'il ne s'excuse pas de sa présence. 

Bon, je réfléchis trop et je me laisse aller : Jann Halexander fait du Jann Halexander, je devrais cesser de jouer les étonnés. Non mais, foi de Vampire !

Merci et bravo pour ce beau spectacle de première et espérons d'autres dates tout aussi belles !

Diaphane49.

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